Du soleil, de la mélancolie, de l’organique, du live… rencontre avec blue Dietrich.
Il y a un peu plus d’un mois, blue Dietrich, artiste brésilien basé en France depuis près de 20 ans a sorti le superbe EP Les Heureux Tropiques.
Derrière cet opus aux sonorités latines et hédonistes se cachent un pied de nez subtil à un fameux Lévi-Strauss et un univers musical empreint d’influences multiples. De Rio à Paris, du rock à la house, de l’éternelle insatisfaction à la fierté du parcours accompli, blue Dietrich se confie sur sa carrière atypique et sa vision artistique bien à lui.
Hello blue Dietrich, je suis ravi d’échanger avec toi aujourd’hui. Est-ce que tu pourrais te présenter pour les lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?
blue Dietrich : Yes, je viens d’une culture rock à la base, j’ai fait du rock pendant plusieurs années et ensuite, par lassitude, je me suis dirigé vers autre chose, vers du trip hop. J’adorais Massive Attack à l’époque.
Ah oui, on est clairement éloigné de ce que tu fais maintenant.
Totalement, ça n’a rien à voir. Mais vu que je viens du Brésil, j’ai aussi un background de musique brésilienne qui est très large. Donc j’écoutais autant du Nine Inch Nails que des groupes brésiliens de Bossa Nova. Et en arrivant en France, j’ai eu une formation au conservatoire, je suis passé par le Jazz, j’écoutais beaucoup de trio de jazz qui avaient des influences rock…
“Il y avait des week-ends où j’avais un matelas par terre dans le studio, je me réveillais et je commençais à la basse, avec des amplis pour tester des nouveaux trucs.”
D’ailleurs, tu parles du conservatoire, est-ce que tu joues d’autres instruments que le piano et la guitare qui ont une grande place dans ton dernier EP ?
Batterie… basse…
En fait t’es un groupe de rock à toi tout seul (rires).
Mais tu sais pourquoi, quand je suis arrivé (en France), j’étais en école d’ingé et on avait un studio en libre accès. Tu prenais un abo à 30€ l’année et tu avais accès au studio avec batterie, basse, ampli… Donc il y avait des week-ends où j’avais un matelas par terre dans le studio, je me réveillais et je commençais à la basse, avec des amplis pour tester des nouveaux trucs.
Vu que tu es un brésilien basé en France, est-ce que tu as l’occasion de retourner au Brésil pour des raisons musicales ?
Yes, l’année dernière je suis rentré au Brésil pour aller voir la famille et j’avais des contacts là-bas pour organiser une soirée…il faut savoir qu’au Brésil, le BPM est beaucoup plus bas, du coup j’ai fait un set presque à 100 et ils trouvaient que ça allait un peu vite (rires). En plus vu que tu viens de l’étranger, pour eux, tu es une star…
Alors que tu leur parles portugais !
Oui c’est ça, mais j’ai eu un traitement spécial. Pendant que j’installais mon matos ils enlevaient toutes les platines, je devais leur dire de se calmer (rires).
C’est marrant ce que tu dis parce que, quand tu étais au Brésil, tu as dû t’adapter à un BPM plus lent, alors que lorsqu’on écoute ta discographie, on ressent des ambiances techno, des ambiances latinos, des ambiances melodic house… comment tu décrirais ton style au final ?
Ah mec, personnellement je n’essaie pas de mettre mon son dans une case, la seule chose qui s’est faite naturellement, mais sans que je le veuille au final, c’est que dans beaucoup de mes sons il y a cette ambiance cinématographique, trippante, qui fait penser au voyage. Par exemple dans le dernier EP, tu as la première track qui est de la Bossa Nova, la deuxième c’est du son cubain/mexicain et la dernière c’est du Jazz (c’est un pote anglais qui est venu poser son saxophone dessus).
Après, évidemment il y’a le BPM qui reste généralement en dessous de 120 et qui ne descend pas trop pour éviter de rendre trop mou. Et puis il y a ce côté organique avec la guitare, parfois la guitare électrique, les pads un peu planants… Pour le reste, je me pose juste la question “dans un set, quelles émotions je veux procurer aux gens ?”.
C’est ce que je me disais aussi, quand on écoute ton dernier EP, notamment La Plus Jolie, on ressent énormément de mélancolie, beaucoup d’émotions. Donc si tu ne penses pas en termes de style, tu te laisses diriger par tes émotions en fait ?
Oui, c’est ça, c’est marrant que tu parles de La Plus Jolie, j’étais chez une copine qui avait mis de la musique mexicaine des années 50, quelque chose comme ça, et je me suis dit “ah mais c’est génial cette vibe, un peu mélancolique, un peu amoureux”. Donc j’ai pris ma guitare, j’ai commencé à m’enregistrer, jouer la mélodie principale et je me suis envoyé ça par mail. Le lendemain, j’ai repris ce que j’avais fait et j’ai dû coucher 90% de la track.
C’est intéressant ce que tu dis parce que tu es capable de coucher une track en un jour, mais pourtant tu as un rythme de production et de sorties qui est très réfléchi, tu n’as pas l’air d’être quelqu’un qui sort une track juste pour sortir quelque chose. Est-ce que, dans ton process créatif, tu as installé une sorte de perfectionnisme au moment de sortir la track ?
Dis-toi que parmi tous les sons que j’ai sortis, il n’y en a aucun dont je suis content du résultat. Il y a Friends par exemple, qui est une super track je trouve, on a fait des prises à n’en plus finir, le label allemand l’a prise, a fait le mastering et au moment où elle est sortie, je me suis dit “ah y’a quelque chose qui ne va pas. Le kick est trop fort”. Au début ça me frustrait un peu de ne jamais être content, mais après je me suis dit “écoute mec, c’était ton meilleur effort à ce moment-là, tu as transpiré pour sortir cette track”. Donc même si j’évolue et qu’avec le temps, je trouve toujours des erreurs dans mes anciennes tracks, je me dis que c’est un ensemble cohérent qui était la meilleure chose que je pouvais faire à ce moment de ma vie et j’en suis content.
C’est super intéressant ce que tu dis parce que je sais qu’il y a certains producteurs qui ne jouent plus leurs anciens morceaux parce qu’ils se disent “c’est tellement mauvais par rapport à maintenant que je n’ose plus y toucher”, alors que toi, tu as une autre vision de tes anciennes productions. Tu restes fier de ce que tu as fait.
La seule chose que je fais de temps en temps, c’est d’ajuster certains détails d’une track pour garantir la cohérence sonore de mon live et que je puisse mieux mixer. Mais c’est un travail d’artisan parce que d’un côté je dois harmoniser, de l’autre il ne faut pas défigurer la track… mais il faut que ce soit lissé pour que le public ne ressente pas de changement trop brutal.
Et le tout, en laissant une place à l’improvisation…
Oui c’est ça, parfois je rallonge une intro, j’enlève un solo pour le jouer plus tard, je rallonge l’outro… c’est souvent comme ça que je joue. Je trouve que c’est plus harmonieux de rallonger et d’enlever des éléments que de toujours rajouter de nouvelles choses, c’est plus fluide. Et maintenant que je produis, je produis tout le temps, donc il y a plein de parties de tracks que j’ai et que j’utilise parfois.
Et tu passes combien de temps à produire dans la semaine ?
Je pense que je passe au minimum deux heures par jour à faire de la musique. J’ai forcément deux heures de pur sound design, de pure composition. Par exemple, La Plus Jolie, j’ai eu une phase de recherche, de sample, pour vraiment trouver ce que je veux évoquer chez les gens. Après, il y a la rythmique, la mélodie, mais il ne faut pas oublier que la recherche de sons est ultra importante, il ne faut jamais négliger le sound design.
“Ce que je veux vraiment, c’est pouvoir faire voyager mon public d’un point à un autre pendant mon set.”
Je vais revenir sur ce que tu disais tout à l’heure sur le BPM, comme quoi tu ne dépassais jamais 120. Au final, je trouve que c’est parfait pour ta musique parce qu’en dehors du côté House, on ressent vraiment quelque chose d’hédoniste, de solaire… est-ce que ce sont des sensations que tu tiens à te procurer avec ta musique ? Je n’aime pas comparer les artistes, mais on peut ressentir un petit côté Polo & Pan sur certaines tracks…
Au début, mes premiers EPs étaient très inspirés de Polo & Pan, de Spaniol, de la French Touch. Après avoir découvert d’autres gars qui m’ont aussi inspirés comme Satori, Be Svendsen, Oliver Koletzki, je me suis dit que j’avais des tracks avec ce côté solaire, mais je ne voulais pas juste avoir ça. Parce que ce qui est intéressant dans un set par exemple, c’est d’avoir plusieurs ambiances…
À part, si tu fais des sets bord de plage, cocktails et sunset quoi…
Oui exactement, mais généralement quand tu as des gens avec toi pendant une heure et demie, tu as envie de les faire voyager par-ci, par-là… D’ailleurs les prochains sons qui vont sortir, il y’en a un sur un label indien qui est très desert house, avec des nappes qui vont et qui viennent. Parce que je voulais avoir ce genre de sonorités dans mes sets. Dans un des autres, qui va sortir sur un label allemand, il y a un solo de trompette, du violon, du clavier… je peux te dire qu’il n’y a rien de solaire…
Parfois, j’ai envie de pouvoir installer une vibe un peu plus sombre, plus mystérieuse, plus sensuelle. En fait ce que je veux vraiment, c’est pouvoir emmener mon public d’un point à un autre, c’est pour ça qu’il faut avoir des tracks qui sont dans différentes ambiances. Mais j’aime pas avoir plus de deux ambiances par set sinon tu as des chances de perdre les gens. Je préfère que le public ne se rende même pas compte qu’on est passé d’une ambiance à une autre. C’est pour ça que je sors plus de sons dans ces ambiances-là même si je reste cadencé pour éviter que ça parte en vrille. Il y a des mecs qui peuvent poster une track toutes les semaines, mais ça devient incompréhensible.
C’est ça en fait, je vois beaucoup d’artistes, pas mal en house, qui sortent un son toutes les deux semaines et à la fin, tu ressens que ce n’est qu’une méthode qui est mise en application et il n’y a plus vraiment la volonté d’aller chercher quelque chose de nouveau…
Oui c’est dommage. La mécanique chez moi, c’est d’avoir une partie des sons de mes lives qui sont publiés et à peu près un tiers des autres morceaux qui sont des thèmes qui ont l’utilité de faire le lien entre les parties du mix, mais n’ont pas vocation à sortir. Et ces sons-là me permettent de vraiment mettre en valeur des tracks qui ont un vrai caractère comme Friends, Nina ou La Plus Jolie par exemple…
T’as besoin d’avoir ces morceaux qui sont surtout pratiques pour les caler dans tes mixes en fait…
Oui, c’est ce qu’on appelle des DJ tools, mais je sais surtout que ce sont des sons qui ne sortiront jamais. Je les appelle carrément Interlude 1, Interlude 2, Interlude Minimal… ça me sert aussi à m’adapter au DJ qui passe avant moi, pour faire le lien entre son univers et le mien.
Tu construis vraiment tes sets comme on construit un concert, je trouve…
Oui, mais c’est surtout une liberté que je n’avais pas dans le rock. Dans la musique électronique, tu as toute la liberté du sound-design, du format des tracks, de la construction d’un live… tu n’as pas autant de normes que dans le rock.
“Dans la musique électronique, c’est toujours nouveau, tu as des scènes locales partout… Tu sens vraiment que c’est vivant.”
Oui, je te rejoins complètement. J’ai beau être un très grand fan de rock également, je trouve, et je ne sais pas si tu es d’accord, que la musique électronique est le seul style qui est aujourd’hui vraiment vivant. C’est-à-dire qui évolue et se redéfinit à chaque nouvelle sortie d’un artiste… il n’y a pas tous ces codes (à part, si tu veux être calibré pour la radio). C’est toi qui définis tes codes.
Complètement ! Et c’est ça tout le plaisir créatif de la chose. Moi ce qui me saoule dans le rock, et j’en écoute encore pas mal, c’est qu’il y a le rock anglo-saxon, fait pour des anglo-saxons, et nous partout ailleurs dans le monde, dès qu’un petit gars de Manchester sort un morceau avec une vieille Fender sur un ampli tout pourri, on va être en mode “oh, mais c’est génial”. Alors qu’il n’y a rien de nouveau dans ce qu’il fait.
Alors que dans la musique électronique, c’est toujours nouveau, tu as des scènes locales partout, même quand j’ai commencé à jouer mes sons et à les partager, il y a un label qui les a publiés. Tu sens vraiment que c’est vivant. Et je pense que c’est vraiment lié à la technologie qui permet à tout le monde de sortir des bons sons. Et puis aujourd’hui tu peux trouver absolument tous les instruments qui sont samplés à la perfection. Tu peux même sampler tes propres instruments et ajouter des samples que tu as téléchargé. C’est impressionnant.
Ça tombe bien que tu parles de ça parce que depuis qu’on a commencé à discuter, j’ai l’impression que tu marches beaucoup à l’inspiration. Tu m’as parlé de ta pote qui avait mis de la musique des années 50, un artiste indien avec qui tu as collaboré, un ami qui fait du jazz, une autre qui joue du violon… est-ce que tu as quand même un processus créatif, une petite méthode à toi ?
Je pense qu’il faut détricoter la chose. Le processus de création pur et dur, ce que j’appelle la composition, où tu ponds les bases mélodiques, harmoniques et rythmiques, pour moi c’est de l’instinct… Par exemple, je suis bourré pendant le set d’un mec, je commence à m’éloigner et j’enregistre sur mon téléphone une mélodie que je m’envoie ensuite par mail. Ce processus-là peut arriver à tout moment, même sous la douche… et là c’est plus compliqué pour enregistrer tout de suite, mais je le fais quand même. Ce processus-là, purement créatif, de sortir ASAP l’idée que tu as en tête, c’est le step 1.
Ensuite, le step 2, qui est beaucoup plus intellectualisé, c’est qu’une fois que tu as ta base rythmique et mélodique, tu te dis « où est-ce que je veux aller avec ça, où est-ce que je vais emmener les gens ?”.
C’est déjà une approche beaucoup plus travaillée. Tu te demandes de quelles instrus tu as besoin, si il y a besoin d’une voix ou non. Par exemple, un des instruments dont je joue le plus, c’est la guitare espagnole, pourtant sur les trois-quarts de mes sons il n’y a pas de guitare. Parce que je sais que ça va mettre une ambiance latine et je n’ai pas toujours envie de ça. Donc je chante ma mélodie, je vérifie si je suis pas à côté de la plaque et si ça marche à la guitare et ensuite je vais chercher son équivalent avec un autre instrument, de synthèse ou organique…
Donc premier step tu crash tout ce que tu as en tête, deuxième step tu peaufines en te demandant quelles émotions tu veux que le public ressente et ensuite, c’est une étape un peu plus mécanique je pense, tu construis la structure du morceau. Là c’est de l’arrangement pur et dur, c’est limite une recette de gâteau. Last but not least, tu as le mixage et le mastering, j’essaie de ne pas trop passer de temps dessus parce que je pense que c’est un puits sans fond.
C’est vrai qu’en tant que non-producteur, le mixage et le mastering sont la partie qui me semble le plus obscure. J’ai l’impression qu’on est davantage dans de l’ingénierie que dans de la musique.
Clairement, c’est pas pour rien qu’on nous propose du mastering complètement automatisé par IA. Parce qu’à part si la track est mal mixée, le mastering c’est une recette de gâteau. Et vu que ça fait 20 ans que je fais de la musique, j’ai quasiment tout de près quand je compose. C’est devenu automatique, au final je passe très peu de temps à mixer ma musique et tripoter des potards de mastering.
Et justement, quand j’ai écouté ton dernier EP, je me suis dit que ça fait du bien de tomber sur des productions qui sont d’une part très bien produits et qui, d’autre part, sortent des tendances actuelles. Donc je me demandais si tu écoutais beaucoup ce que font les autres pour comparer tes productions ou est-ce que tu crées dans ton coin sans trop accorder d’attention aux autres ?
Ah, tu sais, les tendances actuelles mec… déjà ma musique… je ne la verrai pas passer à la radio.
On ne sait jamais (rires)…
Non mais des sons de cinq à sept minutes avec des vibes comme les miennes. Même quand il y a de la voix… Par exemple Friends, elle est magnifique, mais elle est invendable. Cette vibe mélancolique, avec l’impression que tes potes sont partis un peu partout… c’est invendable. Si je faisais de la musique pour faire de l’argent, je crèverais la dalle. C’est clair.
Après, j’ai quand même des inspirations dans la musique électronique, comme Be Svendsen qui est une très grande inspiration… je trouve que ce qu’il fait est out of time. Mais les ¾ de mes inspirations ne viennent pas de la musique électronique. Donc je produis ce que j’aime et si les gens aiment, tant mieux… s’ils n’aiment pas… tant pis.
“Chacun des morceaux qui sont dans l’EP a été composé avec un aspect très personnel, de ce que je voulais évoquer entre la douceur de la vie à Rio et ce que j’ai vu avec les étrangers qui viennent et qui sont admiratifs de la vie locale.”
Je vais revenir sur ton dernier EP, Les Heureux Tropiques. C’est un opus aux sonorités très brésiliennes, est-ce que c’est un hommage que tu as voulu rendre à tes origines ?
En fait, comme je te disais, la construction de l’EP s’est faite entre le label et moi. Les sons représentent vraiment mes origines… notamment Velho Barreiro qui est clairement de la Bossa Nova. C’est d’ailleurs le morceau qu’a préféré le boss du label. Il m’a dit “c’est la première fois que j’entends un kick comme ça qui matche avec une guitare typique de la bossa”. J’ai adoré travailler avec ce gars, il a eu de super bonnes idées. Donc chacun des morceaux qui sont là a été composé avec un aspect très personnel, de ce que je voulais évoquer entre la douceur de la vie à Rio et ce que j’ai vu avec les étrangers qui viennent et qui sont admiratifs de la vie locale. La Plus Jolie, c’est davantage dans des sonorités latines, type mexicain… et Last Call to Rio, l’idée de base m’est venue quand j’étais à l’aéroport, j’allais rentrer à Rio pour rendre visite à la famille. Je discutais avec un anglais qui joue dans un collectif à Londres. Il a la même vibe de storyteller dans ses sets et il joue notamment de la trompette.
Donc j’ai commencé à chantonner quelque chose sur mon téléphone, comme d’hab. Je suis arrivé à Rio et je l’ai enregistré sur mon sampler puis je l’ai envoyé au mec et je lui ai dit “improvise dessus, prends ta trompette et improvise”. Une après-midi après, il m’a envoyé cinq minutes de stems, de solos de trompette. J’ai réagencé les trucs, retravaillé la track et ça a donné Last Call to Rio. Et, entre la trompette qui donne ce côté jazzy, et la ligne de basse qui amène ce côté rock, ça a vraiment donné l’impression que je voulais… un mec qui part à l’aventure à l’autre bout du monde.
Et celà fait combien de temps que tu as lancé ce projet “blue Dietrich” ?
Alors quand j’ai arrêté le rock, ça devait être en 2010-2013, le temps de me remettre en question, me demander vraiment ce que je voulais faire. En 2013, j’avais à peu près une idée de ce que je voulais faire mais ce n’était pas encore clair. En 2018, j’avais enfin une idée claire de ce que je voulais faire, mais ça n’avait rien à voir avec maintenant. À l’époque, je voulais une band mi-jazz, mi-Massive Attack, dans un délire trip-hop. Donc on avait un batteur, deux voix, un pote à la basse et moi au piano. On a fait quelques concerts comme ça et là, la chanteuse me dit “il faudrait que tu prennes des samplers pour ajouter une couche un peu plus electro”. Et, quand je suis tombé face à la machine et que j’ai vu tout ce que je pouvais faire avec, j’ai eu le déclic. Un an après, quasiment tout le monde était parti (du groupe) parce que j’avais une nouvelle idée en tête et ça ne matchait plus avec les envies des autres.
“Je ressens vraiment une évolution, tu prends le premier EP par exemple, tu te dis que ça n’a rien à voir avec maintenant. Mais je suis quand même fier de tout le chemin parcouru, même depuis mon premier EP.”
Mais à cette époque-là ça ne s’appelait pas blue Dietrich ?
Si, c’était toujours sous le nom blue Dietrich, même quand c’était du trip hop. Mais ensuite ça a basculé, il ne restait plus que Flora et moi. On a commencé à faire des DJ sets, entre 2019 et 2021, mais je sentais que je voulais prendre encore plus de liberté et elle voulait aussi mixer d’autres styles que ce que je produisais. Donc j’ai dit à Flo que c’était mieux que chacun prenne son chemin mais qu’on pouvait toujours collaborer quand la vibe collait.
Du coup, je dirais que le projet à vraiment commencer en 2018-2019 parce qu’avant, c’était encore brouillon, puis ma première release a été fin 2020.
C’est ça au final qui est marrant, tu as un projet tout jeune, mais tu es en même temps vraiment expérimenté. Et que dirais-tu de tout le chemin que tu as parcouru jusqu’à aujourd’hui ?
A la fois, une partie de moi dirait que ça va un peu vite, il faudrait que je passe un peu plus de temps sur certaines choses, mais en même temps je ne vais pas refuser des opportunités. Quand je regarde par rapport à d’autres producteurs, je trouve que le chemin se fait de manière très naturelle. Je ressens vraiment une évolution, tu prends le premier EP par exemple, tu te dis que ça n’a rien à voir avec maintenant. Mais je suis quand même fier de tout le chemin parcouru, même depuis mon premier EP.
Et est-ce que tu as des objectifs pour les prochains mois, l’année à venir ? Même si tu trouves que ça va vite, est-ce que tu aurais certains aspects que tu aimerais accélérer ? Ou des projets idéaux que tu n’as pas eu l’occasion de faire et que tu gardes dans un coin de ta tête ?
Jusqu’à l’année prochaine, tu as déjà toute une liste de sons qui sont prêts à sortir. Il y’a deux releases qui vont sortir d’ici la fin de l’année et une autre en préparation qui va sortir l’année prochaine.
Après, niveau dates c’est assez aléatoire, j’ai souvent des invites et des bookings qui tombent mais je n’ai pas trop de vue sur le long terme. Mais déjà jouer pour La Horde c’était un vrai objectif, c’est un collectif que je suis depuis trois ans, je me pointe quasiment tout le temps à leurs événements et quand ils m’ont proposé de faire le closing j’étais trop content.
“Aujourd’hui on entend beaucoup que l’artiste doit savoir gérer les réseaux sociaux, les bookings, les labels… t’es entrepreneur. Alors que moi j’ai déjà du mal à gérer un Instagram, qu’est-ce que tu veux que je fasse mon marketing ?”
Pour moi la next step c’est de vraiment trouver une structure qui pourra m’aider à gérer mon activité de manière plus professionnelle. Parce que pour l’instant, je gère de manière complètement artisanale, on me contacte sur Insta “salut j’ai trop aimé ton son, ça te dit de passer sur telle date, telle festoche” et c’est comme ça que je gère. Hier (le 22 septembre, ndlr), j’ai reçu un message d’un événement pour mixer fin novembre, je me suis dit “ah mais ça fait loin ça ahah”). La seule chose que je gère bien, c’est l’organisation des sorties.
T’as juste pas encore trouvé la bonne structure.
Oui, pour moi ce sont deux métiers différents, aujourd’hui on entend beaucoup que l’artiste doit savoir gérer les réseaux sociaux, les bookings, les labels… t’es entrepreneur. Alors que moi j’ai déjà du mal à gérer un Instagram, qu’est-ce que tu veux que je fasse mon marketing ? J’essaie de faire mon max et de gérer ça honnêtement. Mais parfois je tente des choses et je me dis “non ça marche pas”.
Ah, mais tu as raison, ce sont juste deux métiers différents entre être artiste et être manager.
Et c’est bien pour ça que je cherche quelqu’un pour gérer tout ça. Enfin, je ne cherche pas vraiment mais si une structure me propose de gérer toute cette partie booking et communication, ce serait l’idéal. Après, je pense que ce genre de structure vient à toi, donc c’est pour ça que je me concentre sur le fait de produire des sons bien propres que me dire “ah il faut que je trouve telle ou telle boite pour mon business”.
Je pense que c’est une bonne note de fin, j’ai pas de doute sur le fait que tu trouveras une structure pour t’aider à gérer ton activité. Et peut-être que cette interview donnera des idées à un booker ou un manager.
Article rédigé par Quentin Laronche.